jeudi 27 février 2014

Intermittent du spectacle, un statut au coeur de la grogne

Alors qu'une nouvelle séance de négociations s'ouvre jeudi sur l'assurance chômage, les intermittents du spectacle manifestent pour défendre leur indemnisation spécifique que le Medef veut leur ôter. Ségolène Royal a émis l'idée de leur "demander des tâches" en contrepartie.

Le régime spécial des intermittents du spectacle est de nouveau au cœur des débats. Jeudi, une nouvelle séance de négociations sur l'assurance chômage s'ouvre avec la question de l'indemnisation des salariés du spectacle vivant en point d'orgue. Avec l'annonce d'un chiffre record de demandeurs d'emploi (3,31 millions fin janvier), la réunion s'annonce tendue. Le patronat veut toujours réduire les droits des chômeurs, et notamment ceux des intermittents. Les partenaires sociaux se sont donné jusqu'au 13 mars pour se mettre d'accord sur une nouvelle convention de l'assurance chômage et sur l'indemnisation de 2,2 millions de personnes.
Le déficit devrait atteindre 4 milliards d'euros en 2013 et sa dette franchir la barre des 22 milliards, un record. Le statut très controversé du régime des intermittents pose de nouveau problème. Selon la Cour des comptes, les salariés du spectacle représentent 3% des demandeurs d'emploi, mais leur régime "un tiers du déficit de l'assurance-chômage". Le patronat veut un changement de ce régime. La ministre de la Culture a annoncé qu'elle ne voulait pas y toucher.
Les intermittents défendent leurs droits. Une avant-dernière table ronde des négociations est programmée ce jeudi à partir de 14h30. La précédente s'était conclue sur un constat unanime de désaccord, les syndicats déplorant le "durcissement" du ton du patronat. Avec la réforme proposée par le Medef, ce sont "112 000 personnes qui sont menacées de ne plus être indemnisées", a indiqué Denis Gravouil, secrétaire général CGT spectacle, sur LCI.
Les syndicats ont appelé à un rassemblement à Paris jeudi après-midi pour "amplifier la mobilisation" en dénonçant un "projet violent et provocateur". ". Avec ce projet, "les travailleurs précaires, intérimaires et intermittents verraient leur indemnisation considérablement baisser", indique la CGT dans un communiqué. "On veut être en mesure d'être entendu. Là, on est face à des gens qui refusent de discuter", a précisé Denis Gravouil. Une autre manifestation est prévue le 12 mars, veille de la dernière journée de négociations prévue sur l'assurance chômage. Mais tous se refusent pour le moment à penser à réitérer le vaste mouvement de 2003, après la mise en place d'une mini-réforme, qui avait entraîné l'annulation de plusieurs festivals.
Le patronat pour une suppression du régime spécial. Mercredi, le Medef a adressé aux syndicats ses propositions dont la suppression pure et simple d'un régime qu'il trouve "inéquitable". Son premier projet le 13 février avait suscité un tollé syndical. Mais le patronat campe sur ses positions et veut remettre sur la table ce statut des salariés du spectacle vivant qui coûte "un déficit chronique d'un milliard d'euros par an", selon la Cour des comptes dans un rapport de 2012. "Les règles spécifiques relatives à l'indemnisation" des ouvriers et des techniciens du spectacle doivent être "alignées sur celles du règlement général", stipule le texte du patronat. Ce dernier propose une concertation avec l'Etat pour que celui-ci finance le surcoût lié au régime des intermittents si ce régime n'est pas fondu dans le régime général. Une fin de non-recevoir émise immédiatement par la ministre de la Culture Aurélie Filippetti sur i>TELE. Une autre proposition fait polémique : la modulation de l'indemnisation des chômeurs en fonction de la conjoncture.
Sur LCI, Denis Gravouil a dénoncé le chiffre d'un milliard d'euros de déficit, tout comme l'avait fait un peu plus tôt l'Unedic. Cette dernière a indiqué qu'en cas de reversement des intermittents dans le régime général, l'économie ne dépasserait pas 320 millions d'euros par an quand ceux qui n'auraient pas ouvert suffisamment de droits au chômage pourrait alors toucher le RSA.
Mais le Medef ne semble pas vouloir s'attaquer aux artistes, mais bel et bien aux techniciens et ouvriers du spectacle dont il juge le statut d'intermittent souvent attribué de façon inappropriée
En quoi ce régime est-il particulier ? L'intermittence est un régime spécifique créé en 1936 pour les techniciens et cadres du cinéma qui ne pouvaient justifier d'un emploi pérenne (accessoiristes, cameraman, costumière, décorateur, peintre, etc.). Ce régime concerne les artistes, techniciens et ouvriers des secteurs de l'audiovisuel, du cinéma, de la musique ou encore du spectacle vivant. Les salariés en CDD ou CDI de ces secteurs ne sont pas affilés à ce régime, mais au régime général.
Pour pouvoir prétendre à une indemnisation chômage, chaque salarié doit justifier de 507 heures de travail sur 10 mois (3 mois et demi) contre 610 heures sur 28 mois pour les salariés du régime général. Un cap souvent difficile à atteindre dans une profession où un cachet de 12 heures pour une prestation ne représente pas forcément le nombre réel d'heures/jours consacré(e)s (préparation, répétition, création...). Au bout de cinq jours consécutifs de travail, le quota horaire tombe même à 8 h par cachet. Une fois le quota de 507 heures atteint, l'indemnisation est alors de huit mois. En 2011, on dénombrait 254 394 salariés cotisant au régime des intermittents, mais seulement 43% ont réellement bénéficié d'au moins une journée d'indemnisation (source parlementaire).
Ségolène Royal veut demander des tâches en échange. Alors que la Cour des comptes propose de taxer les entreprises qui recourent à l'intermittence, Ségolène Royal veut un maintien du régime tout en proposant des alternatives. "La culture n'est pas déficitaire, elle rapporte énormément à un pays comme la France", a déclaré l'ancienne candidate PS à la présidentielle sur i>TELLE. "Faisons du gagnant-gagnant. On sauve les intermittents, mais peut-être qu'on peut leur demander des tâches". La présidente de Poitou-Charentes suggère ainsi de proposer aux intermittents d'intervenir dans les maisons de retraite ou les établissements scolaires "pour répondre à une démocratisation d'accès à la culture". Une pratique déjà observée par de nombreux artistes qui se produisent dans ces endroits pour multiplier aussi les cachets.
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